.28 septembre 2016
Par Jean-Christophe Lardinois (Incasu)

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Devenir éditeur·rice

L’éditeur·ice (musical) est la personne physique ou morale à qui l’ayant droit (auteur·ice / compositeur·ice ou arrangeur·euse) cède ses droits en contrepartie de l’obligation pour l’éditeur·rice d’assurer l’exploitation de l’œuvre musicale.

Les éditeur·ice·s sont considérés de nos jours comme des « accompagnateur·ice·s » de l’ayant droit : iels servent d’intermédiaires entre l’ayant droit et le public afin de procurer aux œuvres musicales qui appartiennent à leur répertoire une certaine visibilité. Auparavant, leur obligation était principalement d’éditer (de publier) des partitions d’œuvres musicales.

Pour accomplir sa mission, l’éditeur·ice recherche des opportunités d’exploitation de l’œuvre afin que celle-ci soit connue du public : iel met en contact les ayants droit avec des artistes-interprètes, iel démarche des producteur·ice·s phonographiques (labels) voire même audiovisuels (dans le cadre de synchronisations).

L’éditeur·ice a également un rôle de promotion relative aux œuvres musicales qu’iel édite.

Le métier d’éditeur·ice est un métier qui nécessite une grande connaissance de l’ensemble des intervenant·e·s du monde de la musique. L’éditeur·ice se doit de posséder un carnet d’adresses fourni et de cultiver activement les relations interpersonnelles.

En contrepartie de l’exécution de sa mission, l’éditeur·ice perçoit sa rémunération sur les droits d’auteurs que les ayants droit lui ont cédés par contrat d’édition (à savoir les droits de reproduction mécanique et les droits de communication au public).

Pour percevoir les dits droits, l’éditeur devra adhérer à une société de gestion collective.

Quelles conditions pour être éditeur·ice ?

En Belgique, l’éditeur·ice devra adhérer à la SABAM.

Le règlement de la SABAM énonce un certain nombre de conditions à respecter afin de pouvoir être admis en qualité d’éditeur·ice en son sein.

A. Concernant le statut juridique de l’éditeur·ice :

⇒ Fournir la preuve de son statut juridique (Obtention auprès de la Banque-Carrefour des Entreprises ou le Moniteur Belge) ;
⇒ Fournir le texte des statuts ou la communication de l’activité d’éditeur·ice en nom propre.
L’objet social de la structure doit prévoir spécifiquement l’édition d’œuvres protégées par le droit d’auteur. La dénomination sous laquelle la société exerce ses activités d’édition doit également être spécifiquement prévue dans les statuts ;
⇒ Fournir la preuve de l’existence d’actionnaires/administrateur·ice·s/gérant·e·s ou d’une représentation valable légalement.

B. Concernant les œuvres à déposer :

⇒ Déposer des contrats d’édition originaux portant sur 5 œuvres ou sur des œuvres d’une durée totale de 15 minutes. En cas de co-édition, il est tenu compte, pour chaque coéditeur·ice, uniquement de sa part. Les œuvres sur lesquelles portent les contrats doivent également être déclarées auprès de la SABAM.

C. Concernant l’exploitation :

⇒ Fournir la preuve que les œuvres éditées sont effectivement exploitées (par exemple via supports sonores commerciaux, preuves de représentation…).

Les éditeur·ice·s qui sont déjà affilié·e·s à une société étrangère de gestion collective de droits d’auteur peuvent présenter à la SABAM une demande d’affiliation sans devoir respecter les points B et C.

Choisir une structure pour être éditeur·ice

L’éditeur a donc le choix d’exercer son activité via une structure juridique (A.S.B.L., S.P.R.L. ou S.C.R.I.) ou en tant qu’indépendant·e – personne physique.

C’est la structure de la S.P.R.L. qui est le plus souvent rencontrée en pratique.

Toutefois, chacune de ces possibilités ont leurs avantages et leurs inconvénients.

Pour rappel, il n’existe pas de structure idéale spécifiquement dédiée au secteur de la musique.

Type de structure
Avantages Inconvénients

Personne physique (avec un numéro de BCE)

– Pas de formalités de constitution à prévoir, sauf enregistrement BCE (rapidité)

– Patrimoine personnel engagé

A.S.B.L.

– Pas de capital minimum à libérer
– Si assujettissement à la TVA : émission et réception de factures

– Caractère non lucratif
– Si dissolution, affectation du patrimoine à une autre A.S.B.L.

S.P.R.L.

– Caractère lucratif et partage des bénéfices entre associé·e·s
– Latitude certaine dans la déduction des frais professionnels

– Libération d’une partie du capital : 6.200 €
– Comptabilité plus « rigoureuse »

S.C.R.I.
– Pas de capital minimum
– Comptabilité simplifiée
– Pas de nécessité d’acte notarié pour créer la structure
– Pas de séparation entre patrimoine de la société et patrimoine personnel

« Tricks and tips » de l’édition

Afin de pouvoir bénéficier d’une rémunération, mais également de pouvoir s’inscrire à la SABAM, l’éditeur·ice ne devra pas oublier de signer un contrat d’édition avec le ou les ayant(s) droit, prévoyant notamment la cession des droits selon la clé de répartition réglementaire (à savoir 50 % pour la part éditoriale et 50 % pour la part « ayant droit »)

Après chaque contrat d’édition conclu, l’éditeur·ice devra faire une déclaration de l’œuvre à la SABAM et annexer une copie du contrat lors de sa déclaration.

L’éditeur·ice pourra prévoir dans le contrat une « clause d’option préférentielle ». Grâce à celle-ci, l’éditeur·ice aura la possibilité d’éditer également les œuvres futures de l’ayant droit.

Iel pourra également prévoir une clause par laquelle iel détient les droits de synchronisation de l’œuvre. Si l’œuvre est synchronisée, une part des revenus de la synchronisation revient de ce fait à l’éditeur·ice.

En ce qui concerne la durée du contrat, celui-ci est souvent conclu dans la pratique pour une durée s’étendant jusqu’à 70 ans après la mort (c’est-à-dire pour toute la durée légale des droits d’auteur). Toutefois, cette clause est négociable.

L’intérêt de l’auto-édition…

Depuis plusieurs années, et suite à la chute des rémunérations tirées de la vente de musique (physique ou digitale), les droits d’auteur, et par conséquent l’édition, sont devenus une « forteresse » jalousement gardée/exploitée.

A l’instar de ce bon vieux Jean-Jacques Goldman qui avait tout compris avant tout le monde, il peut être intéressant pour un ayant droit d’être éditeur de ses propres œuvres.

En effet, de cette manière les droits de l’ayant droit sont mieux protégés. Posséder ses éditions est un levier supplémentaire pour négocier avec les producteur·ice·s et diffuseur·euse·s. Ceux-ci ne pourront pas essayer d’imposer dans les négociations contractuelles une clause leur attribuant la qualité d’éditeur·ice étant donné qu’il y a déjà un éditeur·ice. L’ayant droit est donc moins faible lors de la négociation.

L’auto-édition permet également à l’ayant droit de contrôler l’exploitation qui est faite de son œuvre et le versement provenant de sa société de gestion collective

Il y a également un intérêt sur le plus long terme : l’ayant droit possède ses éditions et pourrait donc les céder ultérieurement.

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