.25 septembre 2019
Par Laura Hanequand

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Les femmes sur le devant de la scène ! 

 

Fin 2018, une journaliste de la RTBF soulevait le manque de femmes inscrites au Concours Circuit. Des discussions ont alors été lancées avec d’autres institutions actives dans le secteur musical en Fédération Wallonie-Bruxelles* afin d’aboutir à un projet officiel, SCIVIAS, le premier de ce type en Belgique francophone.

SCIVIAS – “Sache les voies”

Le nom SCIVIAS signifie en latin “Sache les voies” et nous a été soufflé par Hildegarde de Bingen, bénédictine mais également musicienne et femme de lettres du XIIe siècle.
SCIVIAS affirme les discriminations implicites et explicites faites aux femmes et les déséquilibres de représentations hommes/femmes dans toutes les couches du secteur musical. Tout·e acteur·ice du secteur peut rejoindre le mouvement en devenant signataire de la charte d’engagements SCIVIAS et agir pour améliorer la représentation des femmes dans le secteur musical.
La Belgique ayant peu de données objectives à ce sujet, la première mission de SCIVIAS est de dresser un état des lieux du secteur musical et du nombre de femmes qui y sont actives.
De son côté, Court-Circuit a sondé ses membres (festivals, collectifs et salles de concerts) pour évaluer la présence des femmes tant au sein des équipes que dans la programmation annuelle, en prenant en considération les différents styles musicaux.

À long terme, il s’agit bien évidemment d’encourager la présence féminine, de la visibiliser et de porter une attention particulière à la parité dans les équipes et dans la programmation.

 

Elles sont manageuses, artistes, techniciennes… Sofia Rasquin, Kamini Daems, Leslie Gutierrez et Julie Odeurs nous ont fait part de leurs parcours, leurs conseils, leurs réflexions et leurs idées pour améliorer la représentation des femmes dans la musique. 

Le secteur musical : un monde de mecs ?

“Qu’est-ce qui fait qu’une fille qui est artiste ou se forme à l’art va choisir dans un schéma typique le piano, le violon, certains instruments à vent, certains styles de musique et va moins facilement aller vers la batterie, vers la guitare électrique, etc. ?” s’interroge François Custers, programmateur de l’Atelier 210“C’est la même chose que de se poser la question de quel jouet un enfant choisit et quel jouet on lui met à disposition, de quelle couleur il a le droit de s’habiller… C’est juste une autre facette d’un problème d’une éducation qui est genrée. On a genré les styles musicaux aussi.”

À force de voir si peu de femmes sur scène, les groupes exclusivement féminins sont devenus des sortes d’OVNI suscitant régulièrement des remarques ou interrogations absurdes du style “pourquoi un groupe de filles ?” (à noter qu’on va parler de “groupe de filles” plutôt que de “groupe de femmes”).  
Pour Kamini Daems, membre de The Vaporellas et à l’origine de LadyFest BXL, il s’agit bien par défaut d’une prise de position : “C’est vrai qu’on se retrouve dans une position, en jouant dans un groupe exclusivement féminin, de devoir justifier le fait qu’on joue dans un groupe féminin avant toute chose. C’est là où c’est déjà un acte militant que de faire partie de ces groupes-là.” 

Le manque de “role models” féminins

Dans les médias comme dans les écoles d’art et de musique, on constate un réel manque de références féminines, un phénomène qui risque de détourner les jeunes filles des métiers de la musique, et de l’art en général.

D’après Julie Odeurs, ingénieure du son, le problème est le même dans les métiers de la technique : “Je pense qu’il est logique que l’on trouve peu de femmes dans le métier parce que tous les artistes qu’on voit dans les salles de concert sont des américains, hommes, blancs. Ça inspire beaucoup moins les filles parce qu’elles se reconnaissent moins dans les groupes qui passent sur les scènes en Belgique.”
En tant que manageuse d’artistes, Sofia Rasquin est constamment entourée d’hommes dans son milieu professionnel et a dû donc se trouver d’autres modèles : “ Je me suis rendue compte par exemple que le manager de Booba est une femme, que l’une des précurseurs de la house music est une femme. Ce sont des gens qu’on a un peu occultés, pas médiatisés, peut-être aussi parce qu’en général on a moins l’envie de se mettre en avant, c’est quand même un métier d’égo et de show.”

“Ce qui n’est pas nommé, n’existe pas” disait Ilhan Berk

Pour Sofia, à Bruxelles les femmes sont bien présentes : “si tu regardes le VK c’est une programmatrice, le Beursschouwburg c’est une programmatrice, à l’AB il y a beaucoup de femmes qui programment aussi… ”

Il n’y a qu’à faire un tour du côté du LadyFest BXL, ce festival dédié aux femmes artistes. Ici, pas d’appel à candidatures pour nourrir la programmation, les organisatrices ont l’embarras du choix parmis les demandes de porteuses de projets ! Le LadyFest s’attache à offrir une scène aux femmes, tout en créant un “safe space” où les femmes peuvent s’exprimer sans jugement et partager leurs expériences.

Un autre objectif visé par ces projets est la réappropriation de l’espace public. Dans un espace majoritairement masculin, les femmes vont avoir plus de mal à monter sur scène pour la première fois. “Ces femmes qui vont avoir envie de monter sur scène, elles vont devoir passer une série d’obstacles, de barrières et déconstruire pas mal de choses en elles et autour d’elles avant de pouvoir enfin monter sur scène et s’y épanouir.” souligne Kamini, en ajoutant que même une fois sur scène rien n’est encore gagné.

Un message à celles qui veulent se lancer ? 

Leslie Gutierrez, ingénieure du son : “Quand on est passionnée, il faut se lancer et pas se dire « oh j’y arriverai jamais, c’est trop compliqué » ou « c’est trop un milieu masculin et je n’ai pas ma place là-dedans. ». Non, il faut d’autant plus faire ses preuves malheureusement mais une fois qu’on y est, on fonce !” 

Kamini Daems, guitariste et compositrice dans le groupe The Vaporellas : “Pour toutes les femmes artistes, quel que soit leur domaine, ce que j’aurais envie de dire c’est de continuer à faire ce qu’on a toujours fait en tant qu’artistes, c’est-à-dire questionner la société.”

Sofia Rasquin, manageuse au sein de Bloom Hill Agency : “Je dirais d’y aller à fond, de ne pas hésiter à parler de ses succès. Le fait de s’auto-féliciter et de montrer que tu avances, je pense que c’est important. Et oser faire des erreurs, oser dire que tu ne sais pas tout.”

 

Ils ont rejoint SCIVIAS…

Ce qui nous a poussé à intégrer SCIVIAS c’est simplement parce que les problématiques soulevées sont assez essentielles. Ce sont des choses qu’on observe déjà depuis quelques années et j’étais très content qu’une initiative officielle prenne forme. C’est complètement dans la lignée de ce qu’on peut penser, dénoncer, et dans nos valeurs donc ça a été quelque chose de très naturel“, François Custers, programmateur à l’Atelier 210.


Appel GRRRLS by Court-Circuit

Dans le cadre de SCIVIAS, nous avons lancé GRRRLS sur la plateforme mycourtcircuit.be, un appel dédié aux projets musicaux composés de femmes en Wallonie et à Bruxelles. L’objectif est de recenser les projets de femmes et d’encourager les organisateur·ice·s de concerts à les découvrir.

 

Plus d’infos sur SCIVIAS et ses membres fondateurs, adhérent·e·s et signataires > scivias.be
Envie de devenir membre ? Contactez SCIVIAS à 
info@scivias.be

> Retrouvez prochainement les différentes interviews en intégralité sur notre site.