Revalorisation des barèmes salariaux : entre CP 304 et CP 329.02, des enjeux cruciaux pour les lieux de concerts

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Le débat autour des conditions de travail dans les secteurs culturels connaît un nouvel écho avec deux actualités majeures : d’une part, l’annonce d’une revalorisation barémique effective dans la CP 329.02, avec application rétroactive au 1er avril 2025 (voir actualité de la CESSOC) ; d’autre part, la demande de la FEAS pour une revalorisation des barèmes de la CP 304, dénonçant des conditions de travail moindres pour les artistes et technicien·nes. Ces évolutions mettent en lumière les disparités structurelles entre les deux commissions paritaires et posent à nouveau la question de la place des lieux de concerts au sein de ce cadre réglementaire.

Deux commissions, deux logiques différentes

La CP 304 définit les conditions d’emploi dans le secteur des arts du spectacle : compagnies, artistes, structures artistiques, lieux de diffusion… Ce secteur est marqué par une logique mêlant des approches à la fois culturelles et marchandes — les structures qui en relèvent dépendent principalement des recettes de billetterie pour exister, donc du public. Par conséquence, les subventions à l’emploi y sont plus limitées, ce qui se traduit par des barèmes salariaux minimaux. Dans un article paru récemment dans La Libre, la FEAS (Fédération des employeurs des arts de la scène) tire la sonnette d’alarme : un·e artiste belge francophone gagne en moyenne 10200 € brut par an. Françoise Havelange, coordinatrice de la FEAS, dénonce un système qui perpétue la précarité et appelle à une revalorisation urgente des barèmes de la CP 304.

La CP 304 est compétente pour les travailleurs en général :

qui, devant un public, indépendamment du lieu et des circonstances :
a) donnent des représentations dans le cadre de spectacles ou de kermesses ;
b) exercent, à titre individuel ou collectif, un art relevant notamment de chaque forme de la musique, du chan
t, de la danse, de la parole, du mime, des jeux d’adresse ou de force ;

qui, dans n’importe quelle fonction, collaborent à la représentation proprement dite ;

qui, dans n’importe quelle fonction, collaborent à la préparation et/ou l’organisation de la représentation, et leurs employeurs. (source : Unipso)

De son côté, la CP 329.02 concerne les structures du secteur socio-culturel en Fédération Wallonie-Bruxelles : centres culturels, associations d’éducation permanente, structures d’accueil… Ces organisations ont des missions essentiellement sociales et collectives, et font partie de ce qu’on appelle le “secteur non-marchand”.

Services fournis [par la CP 329.02] : animation/développement de lieux d’interaction pour des publics divers, autour de divers sous-secteurs : centres culturels, bibliothèques, associations, clubs et les centres sportifs, associations de radiodiffusion et/ou de télévision non commerciales les initiatives de développement communautaire, organisations d’éducation populaire, de travail socio-culturel et d’éducation de base organisations de protection de l’environnement, de l’habitat ou du patrimoine; organisations et mouvements de jeunesse structurés au niveau fédéral, régional ou local; centres de jeunes, maisons, clubs et services de jeunes, organisations d’insertion professionnelle, complémentaire et de recyclage, organisations touristiques non commerciales; organisations de coopération au développement ou d’éducation au développement; organisations pour la promotion d’une conception idéologique; musées et services éducatifs qui en dépendent; associations de promotion des arts plastiques et littéraires ou organisant des manifestations ou des expositions; services reconnus par les autorités régionales ou communautaires comme initiatives d’économie sociale d’insertion, à condition que ces services disposent d’une attestation régionale ou communautaire. (source : lenonmarchand.be)

Ce secteur est représenté par la CESSOC, la Confédération des Employeurs du Secteur Socio-culturel, dont Court-Circuit est membre. Financé majoritairement par des pouvoirs publics, ce secteur bénéficie ainsi de conditions de travail plus avantageuses, avec des barèmes plus élevés. Côté actualité, ce 19 juin 2025, une nouvelle convention collective de travail a été adoptée, rehaussant les salaires à 99,6985 % du barème de référence, avec effet rétroactif au 1er avril 2025 (source : CESSOC).

Les lieux de concerts : entre les deux mondes

Les lieux de concerts, membres du réseau Court-Circuit, se trouvent à la croisée de ces deux logiques. Acteurs de la diffusion musicale, ils œuvrent à la fois à la valorisation artistique, à l’émergence de talents, et au renforcement du tissu socio-culturel local. Si leur activité est parfois assimilée à l’industrie musicale marchande en s’inscrivant dans une logique marchande liée à la vente de tickets et de boissons (et donc à la CP 304), ils remplissent pourtant des missions d’intérêt général (par exemple des accompagnements, la mise à disposition d’espace, l’accueil des publics, médiation et actions culturelles…), comparables à celles des centres culturels (CP 329.02).

Cette économie hybride ― à la fois marchande et non-marchande ― crée une situation paradoxale : alors que leur rôle social et culturel est évident, les travailleurs et travailleuses des structures membres de Court-Circuit ne bénéficient pas des mêmes conditions de travail garanties. Cela fragilise les équipes, augmente le turn-over et complique la structuration à long terme.

La position de Court-Circuit

Pour Court-Circuit, il est évident que les lieux de concerts soient reconnus en tant qu’acteurs socio-culturels à part entière. Cela requiert une prise en compte effective de leurs missions d’intérêt général dans les politiques publiques, mais aussi dans leur classement en commission paritaire.