.09 novembre 2019
Par Anna Chagniot

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Diversifier ses activités : les concerts “jeune public”

Exigent et hyper réceptif, le jeune public est de plus en plus intégré aux spectacles de musiques actuelles. De la petite enfance à l’adolescence, ces jeunes oreilles attirent de plus en plus les organisations de concert et les artistes à la recherche de nouveaux horizons. 

À la recherche de nouveaux publics

Pourquoi accueillir un jeune public dans une salle de concert ? « Pour pouvoir leur offrir une expérience nouvelle. » Telle est la vision de Gabriel Alloing, directeur de La Ferme du Biéreau à Louvain-la-Neuve : « On organise des concerts durant l’année en partenariat avec les écoles. Cette année nous avons fait deux concerts de musique classique dont un conte musical qui a permis aux enfants de découvrir les timbres des instruments comme le violon, le violoncelle ou la clarinette. ». 

L’exploration d’autres genres musicaux se poursuit l’été avec le Festival Kidzik qui a vu le jour il y a dix ans, toujours sous l’impulsion de Gabriel Alloing : « La commune lançait une demande pour animer la ville. Nous avions mis à peine quelques mois à le monter. Je me suis dit qu’il fallait élargir notre public, et donc attirer les enfants et les familles ». 

Au-delà de l’aspect éducatif et de l’élargissement du public, la mise à disposition d’un lieu de concert représente un atout majeur : « Un concert en salle n’a rien à voir avec un concert dans une classe ou dans l’espace public. Les moyens mis au niveau du son et des lumières changent la donne et sont indispensables aux musiques amplifiées ». 

Parmi d’autres festivals jeune public, le Bota Kids a fait ses débuts en septembre dernier au Botanique. Sa salle circulaire, la Rotonde, y est aménagée spécialement pour le confort des bambins et de leurs parents, avec coussins et limitation de décibels à 90 dB. 

La plupart des artistes programmé·e·s ne sont généralement pas tourné·e·s vers le jeune public comme l’explique Michael Bastin, coordinateur du festival : « Ils/elles adaptent leurs sets et sélectionnent leurs chansons pour les enfants. » Parmi ces groupes, on compte notamment Atome, Ykons ou encore Comète, formé par des membres de Girls In Hawaii, Hallo Kosmo et Italian Boyfriend. « Tou·te·s ces artistes sont soutenu·e·s et programmé·e·s par le Botanique. Ils/elles sont locaux·ales et sont même parfois en résidence chez nous. Ils/elles jouent une version allégée de leur concert en journée face au jeune public, avant de jouer le soir devant leurs aîné·e·s ».

Le contact avec les plus jeunes

Depuis leur première représentation en janvier 2018 à La Montagne Magique, Comète est aujourd’hui le groupe de rock jeune public le plus en vogue de la scène bruxelloise. Associé à la compagnie de théâtre Dérivation, le groupe joue autant des compos originales que des reprises. Un de ses membres, Daniel Offermann, bassiste de Girls In Hawaii, partage son engouement : « Ce que j’aime là-dedans c’est de revivre via ces enfants cette excitation pour une batterie qui joue vite, les lumières qui s’allument… être devant un public qui n’a encore jamais vu de concert. Moi ça fait 20 ans que je suis dans la musique et ça permet de réapprécier à quel point c’est chouette de créer un truc ensemble et de jouer d’un instrument ». 

L’un des grands avantages du jeune public est aussi sa capacité à se renouveler en moyenne tous les trois ans. C’est ce qui permet au groupe de retourner dans les mêmes salles, avec la même stratégie de communication : « On essaie de ne pas vendre le spectacle comme un Girls In Hawaii pour enfants, parce qu’il s’agit d’autre chose. Mais on retrouve parfois le public de Girls In Hawaii dans les concerts de Comète ». Un bon carnet d’adresses de diffuseurs et le bouche-à-oreille sont également nécessaires.

Alors que Comète se produit exclusivement au théâtre ou dans les salles de concert, d’autres artistes vont directement dans les classes. C’est le cas de Samir Barris qui forme le duo Ici Baba avec la chanteuse Catherine de Biasio. Ancien membre de Melon Galia, Samir Barris mène aujourd’hui une carrière solo parallèlement à son projet. Pourtant la voie du jeune public semble être moins engorgée : « 95 % de mes concerts sont des concerts jeune public. Je joue plusieurs fois par semaine dans les écoles, tandis qu’en concert “tout public” je joue en moyenne une fois par mois. Je n’aurais pas pu vivre de ma musique en me coupant du public scolaire ». 

L’attitude clownesque reste néanmoins à proscrire : « Je connais quelques artistes qui s’essaient au jeune public pendant un temps et disent ensuite qu’ils/elles en ont marre. Mais le problème selon moi est que certain·e·s d’entre eux/elles se sentent obligé·e·s de devenir “gnangnan” face aux enfants. Or, ce n’est pas nécessaire pour attirer leur attention. Il s’agit surtout d’être dans un rapport à l’autre sur scène ».

Au-delà d’une ambition professionnelle pour se diversifier, l’intérêt des artistes pour le jeune public représente un challenge : éduquer à sortir de la norme et inculquer la passion dès le plus jeune âge. Il s’agit aussi pour les organisateur·rice·s d’une aubaine pour élargir leur public et aller chercher de nouveaux artistes, locaux·ales si possible, pour compléter leur programmation.