.04 décembre 2019
par Didier Stiers

Partager sur

Organisation de concerts : écoutez les pros !

Leurs premiers concerts remontent à 20 ans déjà. Voire même 30 ans. Ou alors, iels en programment dans des lieux qui ont eu le temps de devenir des institutions. Vous êtes novice en la matière ? Un conseil ne ferait pas de mal ? Iels parlent de leurs expériences et livrent quelques pistes de réflexion…

C’est à Liège, en 1987, que Bernard Hemblenne a fait ses premières armes. « J’ai commencé à organiser des petits concerts dans des maisons de jeunes, avec mes amis du fanzine Ritual. Mon premier festival fut le Black Celebration Festival en 1990, pour « fêter » les 10 ans de la mort de Ian Curtis. On en a fait 3 ou 4 à Liège et à Bruxelles, avec une programmation dark wave, bien évidemment. » Quant au Durbuy Rock que renseigne également son CV, il est venu dix ans plus tard, en 1997. « J’étais déjà relativement expérimenté à ce moment-là. » À l’époque des débuts, les principales difficultés qu’il rencontre sont le manque de salles équipées, de têtes d’affiche potentielles (« À cause des exclus flamandes ») et manque de public… « Ça n’a pas beaucoup changé, estime-t-il. Il y a quand même plus de groupes et de salles maintenant, c’est plus facile, mais la concurrence est bien plus grande, et le public ne sait plus où donner de la tête ! »

Organisateur du Micro Festival pour la dixième fois consécutive, et de concerts depuis 17 ou 18 ans, Jean-François Jaspers a tout d’abord fait jouer The Low Frequency In Stereo à L’Escalier. Les post-rockeurs danois étaient là à l’affiche d’un petit événement aux couleurs de JauneOrange. « On m’aurait demandé si j’avais prévu la sono ou autre, je pense que j’aurais dit « quoi ? », s’amuse « JF ». On avait la chance de disposer d’un petit espace backstage pour les artistes, et on devait juste gérer leur accueil, les entrées… » De fait, quand le lieu est correctement équipé, il est plus simple de se concentrer sur d’autres contingences matérielles. Comme le logement de l’artiste. « Il y a parfois eu un peu d’accueil à domicile. Tout dépend de la manière dont on s’organise. Si les groupes sont prévenus à l’avance que c’est chacun son matelas, en général, iels sont plutôt d’accord. Et du coup c’est assez riche en rencontres. » Et pour celleux qui demandent un hôtel ? « Ce n’est pas toujours évident. Ça peut être assez cher, et parfois pas toujours pour un service génial. Mais là, il y a peut-être aussi des solutions à trouver du côté des pouvoirs publics, je pense par exemple au Centre d’Accueil de la Province (ndlr : de Liège). »

En 2019, tout pourrait paraître plus simple pour celle ou celui qui voudrait organiser son premier concert. Ne sommes-nous pas à l’heure des réseaux sociaux, facilitateur·ice·s de contacts et de promotion ? « L’info passe plus facilement maintenant, reconnaît Bernard Hemblenne, mais elle est noyée dans la masse qu’on reçoit tous les jours. » Il ne dira pas autre chose que Jean-François Jaspers : l’outil est par contre pratique pour contacter les groupes ou les agent·e·s. « J’ai connu l’époque où on recevait et envoyait des propositions par lettre ! Mais c’est surtout beaucoup plus facile de programmer des groupes car on peut presque tous les écouter ou les regarder en vidéo de chez soi. Avant, il fallait écouter des émissions spécialisées, dévaliser la Médiathèque et les disquaires pour faire des découvertes, ou aller voir des concerts et donc faire beaucoup de kilomètres… » Pour le boss du Micro, un événement Facebook, un peu de graphisme voire même une photo, ce n’est pas très compliqué : « Pour la promo, la communication, ça ouvre les possibles, encore faut-il déjà avoir un réseau à la base. » 

À l’Atelier Rock de Huy, où il fait partie du comité de programmation depuis près de 4 ans, Phil Henrion trouve aussi un intérêt très spécifique aux réseaux sociaux : « Je suis dans des groupes où se retrouvent des gens de Huy, et je suis parfois triste de lire que certain·e·s estiment qu’il ne s’y passe rien alors que ce soir-là, on organise un concert ! Je relaie l’info, et advienne que pourra. Mais Huy n’est pas une ville facile, le·la Hutois·e n’est pas quelqu’un·e qui sort beaucoup ou qui sort beaucoup à Huy. » Moralité : convaincre un public est un art… « Si c’est pour programmer à l’Atelier la même chose que dans d’autres villes qui permettent de faire la fête après le concert, on se tire une balle dans le pied. D’où l’idée de ne plus limiter notre programmation au « rock », et de proposer des choses que les autres ne proposent pas. »

Un dernier tuyau, pour celui ou celle qui voudrait organiser son tout premier concert ? Il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions, la preuve par le terrain ! Nos interlocuteur·ice·s ont déjà de la bouteille, et ont donc pu constater que… Être soi-même musicien·ne facilite parfois le contact avec les artistes (PH). Soigner l’ancrage local compte, parce qu’un groupe local mobilisera toujours plus que le meilleur groupe du monde que personne ne connaît (JF). Penser à un concept permet de jouer un peu l’effet de communauté (JF). Aller voir le groupe ou l’artiste en répétition peut être utile, et même lui proposer de jouer en première partie plutôt qu’en tête d’affiche, parce qu’organiser un concert, ça coûte, et les premières parties sont d’excellents tremplins (PH). Qu’il y a toujours moyen de faire ses premières armes en aidant bénévolement un·e organisateur·ice de son coin, et donc être épaulé par un·e organisateur·rice expérimenté·e (BH)… Ne reste plus qu’à vous lancer !