.19 mars 2021
Par Clément Larue

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Une reprise des concerts : si la ventilation le permet

L’annonce de réaliser six évènements culturels « test » en Belgique francophone offre des perspectives, notamment pour la reprise des concerts. Mais après validation des protocoles sanitaires de ces évènements-pilotes, pourrait-on concrétiser une reprise générale des concerts en salle ? Les critères d’occupation des lieux, mais surtout leur ventilation, sont complexes et parfois inapplicables. Explications. 

Divers évènements ayant pour objectif de prouver la sécurité, et donc faisabilité d’organiser des concerts, ont déjà eu lieu. En Espagne, c’est le festival Primavera qui est y allé de son initiative en décembre 2020. Un acte, mi sanitaire mi communicationnel, prouvant qu’avec une ventilation correcte ainsi que le port de masques FFP2 le concert pouvait être un lieu sûr à quasiment 100%. Évidemment la stratégie de testing en amont s’assure que les spectateur.rice·s soient négatif·ve·s au Covid-19 avant leur venue.

« affiner rapidement les critères sanitaires pour les prochaines réouvertures »

Plus récemment, c’est le festival des Francofolies de Spa qui a souhaité rééditer le projet avec un premier concert pilote de 400 personnes en Wallonie. Et dans la foulée, la Fédération Wallonie-Bruxelles prend l’initiative d’organiser un événement par art de la scène et  ainsi que pour le cinéma, six tests grandeur nature au total. L’objectif sera de valider des protocoles sanitaires déjà développés. Ou, comme le précise la Ministre FWB de la Culture : « Nous pourrons ainsi, le cas échéant, affiner rapidement les critères sanitaires pour les prochaines réouvertures et l’organisation d’événements à plus grande échelle ». Bien que le Modus operandi exact ne soit pas encore connu, un rapport référent existe déjà concernant des aspects techniques.

Cependant, ces critères formulés sous forme de recommandations par le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) en février, ne semblent convenir qu’à des grosses structures ou ayant installés des équipements récents au cours des dix dernières années.  Pour une reprise des événements culturels en intérieur, il n’est plus question uniquement d’une distance entre chaque spectateur·rice·s, ainsi que des règles d’or désormais acquises, mais bien de ventilation. Cet aspect est plus imposant financièrement et techniquement pour les nombreux lieux culturels n’ayant pas été modernisés récemment. 

Ventilation, filtres à ultraviolets, sèche-mains et taux de CO2

Dans  son rapport, le CSS a principalement délivré des recommandations sur les systèmes de ventilation et de purification de l’air pour tous les «bâtiments hors hôpital et maisons de soins». Pour la ventilation est nécessaire  « au moins 50 m3 par heure et par personne, et de préférence 80 m3 par heure et par personne d’air neuf ». Il est aussi demandé de  « maintenir la concentration de CO2 aussi faible que possible, et certainement en dessous de 800 ppm ». 

Pour concrétiser cette recommandation à travers un exemple, prenons l’Entrepôt à Arlon, rénové entre 2010 et 2012 avec un système de ventilation dit performant et proche d’une ventilation hospitalière. Comme l’explique l’un des responsables de la salle, Frédéric Lamand : « Nous avons un système de filtration de l’air qui fait 7500m3 par heure ». En divisant ce chiffre par le minimum demandé par le CSS (soit 50m3 par heure par personne), on obtient la jauge maximum de la salle : 150 spectateur·ice·s. « Cette jauge correspond à la moitié de la capacité de notre club, mais il faut encore retirer le staff technique et les artistes. Et si on considère une ventilation ‘idéale’ (80m3/heure et personne), la jauge descend à environ un tiers de notre capacité », détaille Frédéric Lamand.

Des filtres intégrés au système de ventilation peuvent aider à optimiser la filtration de l’air. Première chose, les filtres à ultraviolets sont décommandés, le CSS étant arrivé à la conclusion que le Covid-19 n’est pas impacté par ce système.
En ce qui concerne les filtres, les plus efficaces sont les modèles HEPA (environ 99% de filtrage), suivi des modèles EPA (entre 95 et 99%), et enfin les ePM2,5 (entre 65 et 95%) ou ePM1 (entre 50 et 95%). Si l’un de ces modèles de filtre est utilisé, son entretien devra être régulier.

Dernière recommandation sur ce sujet : le système de ventilation devra continuer de fonctionner deux heures après la représentation au même rythme, avant de pouvoir être diminué ou stoppé. 

Autre point : mesurer le taux de CO2 en le maintenant sous 800ppm (la concentration à l’air libre est d’approximativement 400ppm). Des appareils permettant de mesurer la concentration en dioxyde de carbone dans la pièce, pour signaler le moment où il est nécessaire de ventiler, pourraient devoir être présents comme dans les salons de coiffure depuis leur réouverture. Un tel appareil portatif peut être suffisant afin de couvrir un petit volume, mais pour d’autres les plus volumineux : il faudra dès lors se renseigner et vérifier l’installation de cet outil de mesure sur le système de ventilation, comme actuellement pour L’Entrepôt à Arlon. 

Plus loin dans le rapport, le CSS livre aussi ses recommandations concernant l’utilisation de sèche-mains aux toilettes. Un sèche-mains à air pulsé peut envoyer dans l’air jusqu’à 27 fois plus de germes qu’un séchage des mains avec des serviettes en papier jetables. Il est aussi recommandé que les poubelles soient munies d’un couvercle, et de tirer la chasse des toilettes avec le couvercle rabattu. 

Ouvrir portes et fenêtres, la solution passe partout ? 

La liste des critères pour éviter toute propagation du virus dans ces « lieux hors hôpital et maisons de soins » est difficilement tenable pour une salle de concerts n’étant pas équipée de systèmes modernes et performants en matière de ventilation. De plus, par définition ces lieux ne sont pas conçus avec des fenêtres comme une bibliothèque ou des bureaux. Compliqué donc d’opter pour la technique « d’ouvrir tout ce qui est possible » et tenter de renouveler l’air de cette manière archaïque mais autorisée. Le tout, en restant à un niveau de concentration de CO2 tolérable, si l’installation d’appareils de mesure se révélait être obligatoire dans les futur protocoles de la FWB.

En effet, l’adaptation aux avis du CSS n’est pas à la portée de tous, comme l’explique Nadine Nicolas, coordinatrice de l’An Vert, petit club liégeois : « Pour l’installation d’un système de ventilation recommandé cela nous coûterait une somme qui avoisine les 10.000 euros, sans compter qu’il faudrait percer deux murs et que notre hauteur sous plafond est extrêmement basse comparé à celle de beaucoup d’autres salles culturelles. Nous n’avons ni l’argent, ni les bonnes dimensions du bâtiment que pour installer un système qui satisferait les mesures. »

« attendre septembre au moins »

Nadine Nicolas a donc pris contact avec le cabinet de la ministre Linard : « Les frais seraient pris à charge du côté de la FWB étant donné que l’adaptation n’est pas de notre ressort. Mais le temps de remplir un dossier, de faire un appel d’offre, et ainsi de suite : peut-être, espère-t-elle, que la crise sanitaire sera passée et que nous n’aurons pas l’utilité d’un tel dispositif ». Alors face à cette problématique, le conseil d’ouvrir « tout ce qui est possible » (difficilement applicable pour une salle de concerts) entre en vigueur. Cependant, un problème d’acoustique, mais surtout de tranquillité du voisinage, s’impose de suite. Beaucoup d’options compromises qui poussent la coordinatrice de l’An Vert à se résigner et « attendre septembre au moins, plutôt qu’ouvrir à perte avant des mesures plus souples ».

Beaucoup de lieux de représentation d’arts de la scène se heurtent à des conditions techniques qui ne laissent qu’une faible marge de manœuvre dans les conditions sanitaires actuelles. Du moins pour les lieux dits alternatifs comme les acteur·ice·s du Club Plasma. Pour ce qui est des mastodontes de la scène musicale, les infrastructures remplissent les conditions. Mais la capacité d’accueil sera fortement réduite, autour de 30 à 40% de la jauge maximum selon l’efficacité de la ventilation. 

Les protocoles pour les évènements tests, organisés par la FWB en avril, ne sont pas encore détaillés publiquement. Ceux-ci doivent encore être avalisés par le GEMS (Groupe d’Experts de stratégie de crise pour le Covid-19) et le gouvernement fédéral.