L’édition est peut-être l’un des domaines les plus méconnus de la musique. Ce qui explique certainement pourquoi cette partie de l’industrie est rarement maîtrisée lorsque l’on pratique la musique en tant qu’amateur·ice.
Histoire(s)
À l’origine, l’édition musicale était aussi appelée “édition graphique”. Ce dernier terme peut avoir tendance à brouiller les pistes, mais en comprendre l’histoire peut permettre de rendre plus clair ce qu’est le travail d’édition.
En 1847 au Café des Ambassadeurs à Paris, Ernest Bourget, musicien et compositeur, refuse de payer ses consommations puisque le propriétaire de l’établissement utilise ses œuvres, jouées au piano, sans le rétribuer en retour. Ses oeuvres sont pourtant utilisées pour divertir et faire venir des clients. Un procès a lieu, dont les frais sont payés par l’éditeur Jules Colombier, le bar se voit interdire de jouer les œuvres et Ernest Bourget obtient même des dommages et intérêts ! La SACEM était née.
À l’époque où la reproduction “mécanique” (sonore) n’existait pas (ni gramophone, ni cassette, ni streaming), les œuvres à protéger n’avaient qu’une seule existence physique : la partition. Et donc, la reproduction “graphique”. L’éditeur se retrouvait donc à gérer la diffusion de l’oeuvre en imprimant et en dupliquant des partitions. D’où le terme d’éditeur graphique.
Edition et droits d’auteur
Si l’on s’intéresse à l’édition, il est impossible de passer à côté du rôle de la SABAM dans la gestion des droits d’auteurs. Les organismes comme SABAM (Belgique), SACEM (France-Luxembourg), GEMA (Allemagne)… sont les partenaires privilégiés des éditeur·ice·s. Sans droits d’auteur, il n’y a plus d’éditeur·ice·s. Alors quels sont ces droits et pourquoi laisser des structures s’occuper de la perception et de la répartition de ces derniers ?
Le droit d’auteur comporte deux branches : le droit moral et les droits patrimoniaux.
Le droit moral n’a pas de valeur pécuniaire, mais est incessible, il reste donc à vie aux ayants droit et permet de faire respecter leurs choix quant à l’utilisation des œuvres. Par exemple : demande d’utilisation d’une œuvre pour une publicité faisant la promotion d’une marque de grandes surfaces. L’éditeur·ice a l’obligation de demander l’accord de tous les ayants droit dans le cadre de leurs droits moraux.
Les droits patrimoniaux se divisent également en deux parties dont il est important de bien saisir la différence.
Le droit de reproduction mécanique : comme son nom l’indique, le principe est qu’à chaque “reproduction” de l’oeuvre une taxe doit être versée. Ce qui comporte le pressage de support physique (album, compilation, cassette…), mais aussi la diffusion d’un format numérique en radio ou télévision.
Le droit d’exécution publique : taxation sur chaque utilisation en public de l’oeuvre (live, radio… ). Par exemple un cover band ne touchera aucun droit d’auteur. Ce sont les ayants droit des œuvres qui sont reprises qui les toucheront.
Ce sont les deux principaux droits. D’autres annexes existent comme la copie privée qui est un prélèvement sur chaque vente de support vierge (CD gravable, clé USB, disque dur… ).
Pour le moment, le meilleur système pour récupérer les droits d’auteur en tant qu’artiste passe par les sociétés de gestion collective telles que la SABAM. Et il faut savoir que les adhérent·e·s de ces sociétés peuvent participer aux décisions prisent par ces dernières. Il faut assumer ce système. Même s’il est probable que dans le futur des technologies puissent le simplifier, à l’heure actuelle il est impossible d’aller percevoir les droits dans chaque bar, concert et radio qui créent de la richesse avec vos œuvres. Ce système n’est pas parfait mais il faut s’en accommoder et c’est là où l’éditeur·ice doit accompagner les ayants droits.
Prenons le groupe X qui ferait la première partie d’une méga-star internationale dans une salle d’une capacité de 12.000 personnes où le ticket moyen coûterait 100 euros. Imaginons que l’organisation ne propose que 350 euros comme cachet artistique au groupe X pour sa prestation. Cela semble scandaleux. Mais si les musicien·ne·s sont également auteur·ice-compositeur·ice des morceaux qu’iels interprètent et qu’iels ont enregistré leurs compositions auprès d’une société de droits d’auteur, leurs revenus peuvent s’élever à plusieurs milliers d’euros qu’iels retoucheront quelques temps plus tard. Si l’éditeur est également le label, il peut, en prenant un pourcentage sur la gestion des revenus, réinvestir ce montant dans le développement et la promotion de l’artiste. A contrario, si le groupe X n’est pas inscrit auprès d’une société de gestion collective comme la SABAM, il sera très difficile de calculer et réclamer ces revenus auprès de l’organisation. Il y a donc un réel manque à gagner dans ce cas-ci.