.21 février 2017
Par Kevin Dochain (Focus Vif)

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L’art de la composition

Comment fait-on pour écrire une bonne chanson? Vaste, très vaste débat. On tente de défricher le terrain à l’aide de trois groupes belges qui ont fait leurs preuves.

Passionné·e par la lecture du génial et massif Songwriters on Songwriting de Paul Zollo, on s’est dit qu’il serait bien d’approfondir la question à l’échelle belge. Parce qu’a priori, si tu lis ces pages, c’est que tu cherches à développer ton projet musical… Et, ça tombe peut-être sous le sens, mais pas de développement de ton groupe sans t’être au préalable constitué un solide répertoire. Pour éclaircir un peu les choses, on a décidé de partir à la rencontre de trois groupes belges tous azimuts: un pop, un électro, un métal. Des “vieux”, des jeunes, des connus, des moins connus. Soit, dans l’ordre, Saule, Ulysse et La Muerte.

Toutefois, que celleux qui espèrent trouver dans ces lignes la recette définitive pour pondre un refrain qui tue passent leur chemin: si les trois groupes sont bien d’accord sur un point, c’est qu’il n’y a pas de règle pour composer. “Des fois, ça peut être un texte qui vient, sur lequel j’essaie de trouver une musique, mais ça peut être aussi l’inverse”, nous explique d’emblée Baptiste Lalieu. Mais ne pas avoir de méthode n’empêche en rien d’être… méthodique pour retomber facilement sur ses pattes en cas de panne. “Je dois avoir une soixantaine de carnets plein de gribouilles, continue le chanteur bio. Quand j’attends quelqu’un, que j’ai une heure à tuer, ou dans mon pieu, je le remplis. J’ai plein de textes en jachère, et quand je galère ou que j’ai une musique pour laquelle je n’ai pas de texte, je vais puiser dans cette malle aux trésors pleine de bonnes et de mauvaises surprises.”

Si certains préfèrent bosser en solo (Saule: “Je n’arrivais pas à aller au bout de mes idées en groupe. C’est frustrant, parce que tu es dans une espèce de pseudo-démocratie et des fois, tu ravales un peu tes idées”), pour d’autres, la composition ne s’envisage pas autrement que collectivement. “L’élément de départ, c’est une production de l’un de nous trois, développe Julien Gathy d’Ulysse. Ça peut être une suite d’accords, un beat, on travaille dessus, on s’envoie de nouvelles versions… On utilise un outil collaboratif sur Ableton, Splice, qui a été créé par des Belges.” D’autres encore, plus extrêmes, ne travaillent jamais mieux que dans le local de répet. “Je n’ai jamais été du genre à jouer seul à la maison, avoue Didier Moens, guitariste de La Muerte. Jamais, jamais, jamais de ma vie. C’est peut-être une erreur… En répet, l’un de nous lance un riff et si on accroche dessus, c’est parti.” Quant aux paroles, chez ces rockeur·euse·s qui font leur retour après plus de vingt ans de pause, elles arrivent “relativement tard. [Marc Du Marais] est assez muet pendant un moment, on voit qu’il écoute, qu’il chante dans sa tête ou j’en sais rien. Là, je doute. Est-ce qu’il va encore pouvoir écrire des textes, trouver des gimmicks? Et tout d’un coup, il lâche un truc scotchant.”

S’iels avaient un conseil à donner aux groupes débutants, quels seraient-il? Saule: “Il y a deux choses qui m’ont toujours permis d’avancer. De un, il faut oser. Se mettre en danger, essayer des choses qu’on n’a pas l’habitude de faire. De deux, aller voir plein de concerts et écouter plein de disques. Aujourd’hui, avec Spotify, Deezer, les magazines, Facebook… il y a moyen de découvrir des groupes toutes les semaines.” Ulysse donne à peu près le même son de cloche: “Écoute des trucs, repère ce que tu trouves qui est cool, mais n’essaie pas de faire la même chose. Essaie de trouver ton son en variant tes influences.” C’est toutefois à la langue pas en poche de Didier Moens qu’on laissera le mot de la fin: “Quand on a commencé La Muerte, tous les potes qui jouaient dans des groupes me disaient “mais qu’est-ce que tu fous?” Que des avis négatifs… Il faut d’abord croire en ce que tu fais. Pas nécessairement faire un truc parce que c’est à la mode. Soyez égoïstes, faites ce qui vous fait plaisir!“