.25 octobre 2023
Par Stanislas Levacq

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Réduire le bilan carbone de son évènement musical

À l’heure où l’éco-responsabilité est une préoccupation de plus en plus présente pour les festivals de musique, à quels niveaux les organisateur·ices peuvent-ils/elles agir afin de réduire l’impact de celui-ci sur l’environnement et le climat ? En 2021, The Shift Project publie son rapport d’étude sur l’impact carbone de la culture. 

Décarbonons la culture ! (2021). The Shift Project.
Décarbonons la culture ! (s. d.). The Shift Project. https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2021/11/211130-TSP-PTEF-Rapport-final-Culture-v2.pdf

Il en ressort que les plus gros postes à émissions pour un évènement culturel sont le transport suivi de l’alimentation qui reprend principalement la consommation de viande. Pour aller plus en détail, nous avons rencontré quelques-un·es des professionnel·les du secteur et identifié quelques pistes.

1. Repenser la logistique

De plus en plus d’artistes adoptent des tournées plus durables en utilisant des moyens de transport à faible émission, en planifiant des itinéraires plus efficaces et en réduisant le nombre de vols. Les organisateur·rices adoptent quant à eux des pratiques plus écologiques qu’auparavant en incluant la dimension climatique dans la production de leurs évènements. Florence Higuet, responsable des partenariats chez Z! (Esperanzah!) nous en parle.

Nous récupérons et recyclons beaucoup de choses et nous les utilisons durant plusieurs années. [..] Lorsque les artistes viennent de loin, nous essayons d’organiser des tournées afin de rentabiliser leur trajets mais en ayant moins de têtes d’affiche nous avons moins de demandes techniques coûteuses en énergie, c’est également une des conséquences de notre choix de décroitre.

À une autre échelle, les petits lieux de concerts sont également inventifs lorsqu’il s’agit de bonnes pratiques environnementales comme à La Faune à Mouscron : 

En priorisant une programmation locale nous garantissons une empreinte minimale puisque nous limitons les transports des artistes et du public. D’autre part nous avons la volonté de faire un maximum nous même et avec des matériaux de récupération. Le matériel qui à l’empreinte carbone la plus faible est celui qui n’a pas été produit. 

Jules

2. Alimentation Responsable

La nourriture et les boissons servies lors d’événements musicaux sont une autre source majeure d’empreinte carbone. Les organisateur·rices travaillent de plus en plus avec des fournisseurs locaux pour réduire la distance parcourue par les produits, minimisant ainsi les émissions de CO2 liées au transport tout en mettant en avant des produits de qualité. En privilégiant les options végétariennes et végétaliennes, les organisations jouent un double rôle de sensibilisation environnementale et de réduction de leur empreinte carbone.

Décarbonons la culture ! (2021). The Shift Project.
Décarbonons la culture ! (2021). The Shift Project.

À Esperanzah!, Florence Higuet nous détaille leurs méthodes : 

On sait que la consommation de viande à un impact considérable surtout dans les quantités de personnes que nous devons nourrir sur l’évènement [..] Cette année le catering était végétarien sauf 1 soir.  [..] Les food trucks présents sur le festival ont quant à eux la consigne de proposer minimum 1 plat végétarien. [..] Nous sommes à 95% fournis par des producteurs locaux – hors grande distribution.

Au Tchestia, un plus petit festival avec une jauge de 1000 personnes, Florence Haumann fait le même constat :

Au Tchestia nous avons fait le choix de travailler uniquement avec des producteurs locaux et de ne pas consommer – ni vendre de produits transformés. L’alimentation prend une place centrale dans notre festival. Ces aliments sont produits en grande majorité dans les 20 kilomètres alentour et mobilisent une grande équipe de bénévoles durant le festival. Cela met en avant les producteurs locaux, diminue drastiquement notre production de déchets plastiques tout en apportant beaucoup de sens à notre démarche environnementale.

3. Agir sur la gestion des déchets

Bien que la gestion des déchets n’a pas d’impact significatif sur les enjeux climatiques, elle est également afin de réduire son impact sur les ressources en eau, sur la biodiversité ou la qualité des sols. Les festivals sont aujourd’hui de plus en plus engagés dans le tri et la réduction des déchets et proposent des alternatives aux contenants à usage unique.

Florence Higuet nous en parle :

A Esperanzah!, nous n’avons plus de toilettes chimiques depuis quelques années déjà [..] Nous avons 4 tris de déchets dans les îlots de tri à destination des festivalier·es et une vingtaine de containers de tri différents en interne. Le tout est retrié par la suite par nos équipes. [..] Nous avons de la vaisselle réutilisable pour notre catering et biodégradable pour les festivalier·es.

Florence Haumann  détaille également : 

Avec notre EcoTeam, nous avons animé des activités de sensibilisation à la gestion et diminution des déchets. Nous avons également mis un soin particulier à rendre nos toilettes sèches accueillantes. Les retours du public étaient très encourageants et nous avons été surpris de la quantité de déchets que l’on évite lorsque l’on prévoit ses choses là en amont [..] Bien que les résultats étaient déjà très encourageants, nous avons constaté que la grande majorité des déchets sont amenés par les festivalier·es elleux-même. C’est donc là que nous avons décidé d’agir encore plus efficacement en prévention l’année prochaine. 

4. Sensibilisation des Participant·es

Il est important de sensibiliser les participant·es à réduire leur impact carbone afin de les impliquer pleinement dans le processus. Cela les met au cœur de la démarche environnementale et participe au message positif de transition. De cette manière la visibilité du festival peut induire un changement significatif auprès des publics de par sa position médiatique.

 

Dans l’évènementiel le plus gros poste en termes d’émission de carbone c’est la mobilité. [..] Nous faisons la promotion de la mobilité active : transport en commun, à pied, à vélo (en agrandissant chaque année le parking vélo) mais aussi en encourageant les automobilistes à remplir leurs voitures. [..] La meilleure façon de transmettre des valeurs à nos équipes et à notre public c’est de leur faire vivre l’expérience. Quand l’attention aux valeurs est portée par toute l’équipe de production, la transmission se fait de manière naturelle. Elles sont également transmises via des newsletters et les briefings à nos équipes. 

Florence Higuet

Avec une EcoTeam motivée on arrive efficacement à sensibiliser aux valeurs que nous portons à travers le festival [..] Nous avons transmis une charte à toustes les participant·es du festival, aussi bien les artistes, les bénévoles que le public. Cela permet d’expliquer en amont nos préoccupations quant à l’espace naturel qui nous accueille. 

Florence Haumann

5. Intrication socio-environnementale 

Enfin la cohérence est de mise lorsque l’on porte des valeurs d’éco-responsabilité.

À La Faune, Jules nous cite Gilbert Cardon

“Je préfère manger de la merde à plusieurs, que du bio tout seul !” Pour nous, l’écologie est un concept global que nous abordons par la sphère sociale. [..] Il est pour nous capital de restaurer le lien social en premier lieu. Les actions environnementales découlent de manière naturelle par l’expérience sociale que nous mettons en place ici et sont la plupart du temps initiées par un besoin économique également.

Des toilettes sèches au lavabo récupérant l’eau pour les urinoirs, du potager collectif à la récupération alimentaire, la vie culturelle gravitant autour de La Faune permet une expérimentation constante pour rendre les concerts comme une expérience marquante en termes d’éco-responsabilité tout en simplicité.

C’est avant tout en accueillant les festivalier·es dans un cadre naturel qui fait sens que nous arrivons à les sensibiliser à d’autres modes de consommation et à de nouvelles manières de repenser notre lien à la biodiversité. 

Florence Haumann

À Esperanzah!, c’est un peu plus que de la musique, on va proposer une autre approche culturelle qui n’est pas que de la consommation mais qui permet au public de devenir lui-même acteur de la société en règle générale que ce soit au niveau social, politique ou environnemental. [..] L’économie fait pleinement partie du développement durable chez nous. Nous ne voulons pas travailler avec n’importe qui. Les sponsors sont sélectionnés sur une série de critères assez stricts : Respectent-ils la législation du travail en Belgique et à l’étranger ? Quelle est leur politique environnementale sur l’exploitation des ressources naturelles ? Où en sont-ils en termes de transparence financière, corruptions, évasion fiscale ? Toutes ces thématiques font partie intégrante du développement durable pour nous. 

Florence Higuet

Assistant. (2021). Quel impact carbone pour les lieux et festivals de jazz ? | Une étude AJC - Périscope dans le cadre de Footprints - Périscope. Périscope. https://www.periscope-lyon.com/article/etude-carbone-des-lieux-et-festivals-de-jazz-footprints-ajc/
Assistant. (2021). Quel impact carbone pour les lieux et festivals de jazz ? | Une étude AJC – Périscope dans le cadre de Footprints – Périscope. Périscope. https://www.periscope-lyon.com/article/etude-carbone-des-lieux-et-festivals-de-jazz-footprints-ajc/

Sur cette dernière figure nous pouvons observer qu’en fonction de la localisation d’une salle (ici le réseau des salles de Jazz AJC), la marge de manœuvre pour faire évoluer la mobilité des public n’est pas forcément la même si on se présente dans un cadre urbain ou rural.

Il est donc important de garder en tête que l’éco-responsabilité d’un évènement est un ensemble de pratiques qui doivent avant tout faire sens dans le contexte socio-économique d’un lieu. Le bilan carbone est un indicateur relatif à cette réalité qu’il convient de faire évoluer tout en restant cohérent dans la démarche socioculturelle portée. Rendre son évènement éco-responsable est avant tout un gage d’engagement envers ses publics à travers le message qu’on lui porte. La culture étant un des facteurs majeurs influençant nos imaginaires collectifs, il est important d’utiliser cette force pour délivrer un message positif pertinent.

Pour aller plus loin rendez-vous sur le Guide de l’évènement Éco-citoyen, le site d’EventChange ou encore au Forum de la Culture Durable ce 5 décembre prochain.