Lors de l’élaboration du plan d’un évènement, la programmation musicale aura une place centrale et cruciale dans la portée et l’ambiance générale de celui-ci. En effet, l’affiche artistique va jouer pour beaucoup dans l’attrait du public. Additionné à d’autres données comme la localisation, la date, la météo, ou encore la concurrence, vous aurez une formule approximative quant au succès attendu. Aujourd’hui on s’attaque à décortiquer les points d’attentions lorsqu’on veut établir le menu lors d’un concert ou d’un festival.
Trouver l’équilibre entre fréquentation et découverte
L’un des dilemmes les plus fréquents pour un·e programmateur·rice est de construire une affiche à la fois attrayante et audacieuse. L’équation est simple en apparence : faire venir du public, tout en maintenant une dynamique de renouvellement artistique (ce qui est généralement le leitmotiv d’une programmation pour un concert à l’échelle locale).
Pour y parvenir, de nombreuses stratégies sont possibles. Associer têtes d’affiche et artistes émergent·es lors de soirées doubles, proposer des premières parties découvertes. Autant de leviers qui permettent de réduire les risques financiers tout en garantissant un espace d’expression de qualité aux jeunes projets.
L’essentiel est d’anticiper : comprendre les tendances, identifier son public, et adapter les formats pour créer des ponts entre les esthétiques. Dans cette logique, la programmation devient un outil de médiation, un terrain d’éducation artistique et de fidélisation du public.
Au Jam’in Jette, Olivier Vanhamme travaille depuis de nombreuse années à l’affinage de cette programmation et il observe une confiance croissante de son public.
Chaque année on reçoit beaucoup de candidatures. On va souvent voir des concert en équipe et l’idée première reste tout de même de se faire un peu plaisir en programmant de chouettes projets. C’est chaque année un défi d’avoir une programmation qui nous ressemble tenant dans une vingtaine de groupes qu’on peut placer sur la durée du festival. Tout en restant dans une optique de découverte et donc pas forcément d’avoir tout ce qui tourne sur les autres festivals. On essaye également d’avoir une certaine diversité dans les styles tout en restant dans la hauteur de nos moyens. On se rend compte via les retours que nous avons, que même si c’est un programmation qui attire un certain nombre de personnes, cette portion du public reste minime comparé à la grande majorité qui vient en nous faisant confiance sur cette programmation qu’on propose chaque année.
Garantir la qualité et la cohérence artistique
La qualité d’une programmation ne se résume pas à l’accumulation de projets populaires. Elle repose sur une ligne artistique claire, une exigence constante et une cohérence globale dans la construction des saisons.
Cette cohérence est souvent liée à l’identité du lieu ou de l’organisation. Certaines structures défendent des esthétiques bien spécifiques, d’autres préfèrent la transversalité des genres. Dans tous les cas, il s’agit d’avoir une rigueur dans la sélection des projets et de travailler sur les conditions d’accueil afin d’avoir une musique de qualité tout au long de l’évènement.
Programmer implique un travail régulier de veille musicale, une écoute attentive des productions reçues, et un suivi des artistes en développement. Les outils pour cette veille sont : les plateformes de streaming, les réseaux mais aussi les retours de concerts qui permettent d’affiner ces choix et de garantir une programmation qui a du sens. Assister au concert d’un artiste avant de le programmer est une garantie de qualité et une condition pour beaucoup de programmateur.ices
Assurer une viabilité économique sans sacrifier l’ambition
L’analyse des budgets types des salles de concert en Fédération Wallonie-Bruxelles révèle des marges de manœuvre limitées. Dans de nombreux cas, les recettes liées à la billetterie ne suffisent pas à couvrir l’ensemble des coûts liés à l’organisation d’un événement : cachets artistiques, technique, sécurité, catering, communication…
Cela oblige les structures à faire preuve de prudence budgétaire, mais aussi de créativité pour attirer avec sa programmation. Chercher les exclusivité, les artistes internationaux en tournée, exploiter les dates notable d’un calendrier annuel (jours férié, fêtes,..).
Il est crucial d’établir un modèle de tarification équilibré, qui tienne compte à la fois du pouvoir d’achat du public et des réalités économiques de la structure. La stratégie tarifaire est un véritable outil de régulation, qui influe directement sur l’accès à la culture et la pérennité des lieux.
Bien entendu, la réalité n’est pas la même pour une salle de concert établie avec des concerts chaque semaine et une soirée ou un festival isolé. L’enjeu financier reste pourtant le cœur du problème lorsque l’on veut pérenniser sont action culturelle. Dès-lors il faudra parfois faire preuve de modestie quant à ses envies personnelles de programmation. Si on veut se payer la venue du groupe populaire du moment ou au contraire inviter des musiciens obscurs qui touchent une audience de 1000 personnes dispersés sur toute la planète. Dans les deux cas le réveil peut être brutal au lendemain de l’évènement si l’on n’estime pas bien son risque.
Parfois faire jouer son groupe préféré est un travail de longue haleine comme nous explique Patrice Saint-Remy, programmateur à l’Atelier Rock (Huy) :
Parfois c’est au bout de plusieurs années et une insistance qu’on arrive à avoir certains artistes. Les relations de confiance avec les agences se développent avec le temps. Quand les retours des artistes sont régulièrement positifs, les agences nous proposent spontanément des artistes qui sont fort plébiscité et avec lesquels ont fait de belles audience. Ces dates sont importantes pour égaliser les bilans sur une saison.
Une vision sur le long terme
Au-delà de l’aspect événementiel, une programmation bien pensée est un projet culturel en soi. Elle s’inscrit dans une démarche de transmission, d’ancrage territorial et de soutien à la scène locale. Elle permet de construire des relations de confiance, de tisser des liens entre artistes, publics et professionnel·les du secteur.
Cette vision requiert du temps, de la rigueur et est grandement facilitée par une volonté politique forte. Elle implique de faire des choix, de les assumer et de défendre des valeurs telles que l’accessibilité, la diversité musicale, l’émergence et la qualité artistique. Identifier son public à l’échelle locale, interagir avec lui et l’inclure dans le projet de programmation est également essentiel pour créer un événement à succès qui représente fidèlement la scène locale.
En ce sens, programmer n’est pas seulement remplir une salle. C’est bâtir un récit, ouvrir des espaces de découverte, et participer activement à l’écosystème culturel d’un territoire. Dans le cas d’un évènement récurent c’est ce récit et cette expérience qui va fidéliser le public à son projet de programmation.