Les chiffres du cadastre de l’emploi culturel : Les enjeux pour l’emploi salarié dans le secteur musical

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L’Observatoire des Politiques Culturelles (OPC) a publié, en mars 2025, le Cadastre de l’emploi dans le secteur culturel en Fédération Wallonie-Bruxelles. Celui-ci offre un éclairage sur les réalités de l’emploi salarié dans les différentes disciplines culturelles.

Court-Circuit en propose ici une lecture ciblée sur le secteur musical, en croisant ces données avec celles issues de son propre réseau de membres (structures professionnelles et organisateurs de concerts). L’objectif : mieux comprendre les enjeux de l’emploi salarié dans les musiques actuelles, dans une perspective de représentation, de structuration et de plaidoyer.

Une photographie post-crise à lire avec précaution

L’analyse de l’OPC se base sur les données de 2021, une année qu’il convient de considérer avec précaution. Marquée par une reprise timide après les confinements liés à la pandémie de Covid-19, cette période reste traversée par de nombreuses incertitudes, une instabilité des programmations et des modèles de travail encore déstabilisés. Le secteur culturel, bien que de nouveau en activité, fonctionnait toujours au ralenti.

Le secteur musical, un domaine culturel fragmenté

Selon l’OPC, en 2021, le secteur musical comptait 7.730 salarié·es pour 4.170 équivalents temps plein (ETP), soit un ratio de 54 %. Ce taux d’occupation est le plus faible de tous les domaines culturels étudiés, signalant une forte fragmentation de l’emploi. Les contrats courts, les temps partiels subis et les missions ponctuelles y sont monnaie courante. Cette réalité témoigne d’une précarité structurelle particulièrement ancrée dans les musiques actuelles, où le rythme de travail est directement lié à la programmation événementielle, aux cycles de projets artistiques et à la disponibilité des lieux de diffusion.

Une parité hommes-femmes remarquable à l’échelle sectorielle

Un élément encourageant ressort néanmoins de cette photographie sectorielle : la répartition hommes-femmes dans l’emploi salarié musical montre une quasi-égalité parfaite, avec 3.849 hommes et 3.881 femmes, tant dans les effectifs que dans les ETP. Ce constat rejoint les tendances européennes en matière d’accès équitable à l’emploi culturel, marquant une progression vers la parité et une meilleure reconnaissance des compétences féminines dans tous les segments de l’activité musicale.

Le réseau Court-Circuit : vers une professionnalisation consolidée

Du côté de Court-Circuit, la fédération des lieux et organisations de concerts de Wallonie et de Bruxelles, les données collectées auprès de ses membres confirment plusieurs de ces dynamiques tout en révélant une structuration plus poussée. En 2021, les structures affiliées employaient 140 personnes pour 91 ETP, soit un taux d’occupation de 65 %, supérieur à la moyenne sectorielle. Cette différence reflète la volonté des opérateurs de professionnaliser leurs équipes malgré les contraintes économiques. La répartition hommes-femmes y reste légèrement déséquilibrée (58,57 % d’hommes contre 41,43 % de femmes), mais l’écart se réduit d’année en année, signalant une évolution encourageante vers plus d’équité.

 

L’emploi fragmenté : les limites structurelles de l’emploi musical

Ces éléments confirment l’importance de porter une attention particulière aux enjeux de l’emploi dans le secteur des musiques actuelles. Le différentiel important entre effectifs et ETP n’est pas seulement un indicateur statistique : il illustre un fonctionnement fondé sur la flexibilité, la temporalité courte et la discontinuité. En d’autres termes, un secteur façonné par l’événementiel, les engagements « par projet » et une forte dépendance à l’intermittence. Cette réalité limite la capacité à offrir des perspectives de carrières durables et aggrave les inégalités d’accès à l’emploi, notamment pour les plus jeunes ou les personnes en reconversion.

Un enjeu politique pour la reconnaissance des musiques actuelles

Dans ce cadre, les revendications portées par Court-Circuit dans son Mémorandum 2025 résonnent avec une acuité particulière. Il devient urgent de reconnaître les spécificités de l’emploi dans les musiques actuelles comme étant aussi du travail socioculturel et de l’inscrire dans le champ d’application du décret de 2008. Cela implique de définir clairement des agréments liés à l’emploi dans le secteur,  de préserver les soutiens existants (APE, article 60, Maribel, aides à l’embauche), mais aussi d’adapter les politiques publiques à la réalité de l’intermittence, en valorisant les parcours professionnels et en offrant une sécurité dans un contexte entreprenarial.

Vers un plaidoyer renforcé

Le Cadastre de l’emploi dans le secteur culturel sur le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles  met ainsi en lumière les marges de manœuvre et de progrès qu’une structuration collective peut permettre. Dans ce contexte de redéfinition des priorités publiques, Court-Circuit poursuivra son travail d’observation et d’analyse pour que les lieux de musiques actuelles, les festivals et les associations de terrain soient enfin reconnus à la hauteur de leur rôle artistique, social et économique.

Consulter l'étude complète

4 juin 2025

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Florence Delporte

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